240 000 km2 de territoire
Le rêve d’explorer, de découvrir
D’aller où peu d’humains vont.
Se retrouver immergée dans la grande nature.
La planification de cette aventure ne s’est pas faite sans remises en question.
On y est finalement. Le Jour-J, le départ.
J1 – Le départ
Pour être franche, partir à 3h du matin, personne n’en avait le goût. Mais l’autre bord du fleuve nous appelait. Après avoir fermé difficilement mon baril, qui contiendra la maison pour les 6 prochains jours, on embarque dans les véhicules qui nous amèneront vers Matane, où on prendra la mer. Le F-A Gauthier nous attend, fier. À sa vue, je me dis que le grandiose ne fait que commencer. Tellement d’excitation, d’appréhensions d’arriver sur un nouveau territoire. J’en oublie qu’on s’en va pagayer. Je réalise que je n’ai aucune idée de quoi ça à l’air là-bas, dans quoi je me suis embarquée réellement. Ce n’est pas juste une expé de canot, c’est une aventure.
Après avoir parcouru les routes et chemins de terre pour se rendre à notre fameux «put-in». Je me rappelle qu’on devra pagayer. Un premier petit rapide nous attend, la fébrilité était présente, mais le désir de s’y lancer nous fait avancer. Arrivé à notre premier campement. Le temps est doux. C’est en voyant les nombreuses empreintes sauvages qu’on réalise qu’il a été visité avant nous. Un seul mot sur toutes les lèvres pour décrire ce lieu : « bucolique ». Un souper en groupe autour d’un feu, une langue brûlée par la tisane de fin de soirée.
J2 – L’immersion
Réveil ensoleillé, la première vraie journée. On prend le temps de se faire réchauffer par le Soleil qui marque de sa présence notre matin. Sur l’eau, c’est de grand lacs, qui donnent sur des montagnes à perte de vue remplies d’épinettes noires. « On dirait un film », lancé-je à mon partenaire de canot Louis, « tellement», me répond-il. Émerveillés, on pagaie.
Se pointe un premier rapide majeur devant nous. Une première prise de décision. En voyant le mouvement de l’eau, une boule se forme dans mon ventre. Entre de l’excitation et de l’anxiété. Conclusion : premier portage. Sous les encouragements, les plus aventureux.euses descendent la dernière section allège. Un autre lac, un autre rapide, une autre décision. On le descend. Alors que je doute de moi, je décide de me faire confiance, à Louis et à la rivière.
Arrivée saine et sauve en bas de cette section, je respire enfin. Un autre portage. C’est dur d’être fière de soi entourée de personnes absolument incroyables. Je me suis permis un instant de gloire quand j’ai déposé le canot qui pesait sur mes épaules à la fin du sentier. La jeune Gab aurait eu la mâchoire par terre à me voir aller. Dodo 2 sur la carte : la pourvoirie du lac Achigan.
J3 – Jour de leadership
J’ai eu l’impression d’être entrée dans une tout autre partie de la rivière. Les paysages changent, des grandes étendues d’eau aux sinueux canyons. «Guider» mes ami.e.s dans des rapides qui m’étaient totalement inconnus sauf d’un nombre pour les définir: ma définition de me dépasser.
La rivière nous pousse à prendre de nombreuses décisions, à assumer nos décisions. Elle nous berce doucement, autant qu’elle nous étreint de son courant. La fameuse cravate* arrive, cette situation inconfortable nécessita une belle cohésion de groupe. -1 canot, notre seul joker.
On a portagé, portagé, puis portagé encore.
Des chutes majestueuses qui gardent ma bouche et mes yeux grand ouverts. Impressionnée. Cette journée fut remplie de défis et couronnée d’apprentissages.
J4 – Le calme entre les tempêtes
Parcourir les méandres de la Godbout. Une journée plus douce, lors de laquelle j’ai pu prendre le temps. Échanger avec son partenaire de canot, échanger avec la nature. Les grandes parois rocheuses franches qui nous saluent à chaque coin de rivière. Un dernier rapide majeur qualifié presque unanimement de « parfait » une fois que tous.tes l’avaient manœuvré.
Arrivés au campement. Il ne se dessine pas comme prévu, on improvise comme on sait si bien le faire. Essayer de comprendre les courbes de la terre pour y faire son nid temporaire. J’enfile mes bas secs, mes pantalons de polar et mon chandail Capelan qui m’amènent tout le confort dont j’ai besoin. Camper dans la mousse avec une vue imprenable sur le rapide parfait, rapide qui nous berça toute la nuit. Nuit reposante, bien méritée qui me préparera à la suite.
J5 – L’aventure continue
Ce matin j’ai inscrit à mon journal de bord « une autre journée remplie d’aventures ». Ça a définitivement donné le ton, ou bien c'est qu'il m’a été soufflé à l’avance par les cartes remplies de la lettre «R»*. Ça commence par un dur premier obstacle, qui s’est montré dur seulement sur l’ego. Même si la déception m’enivre, je continue de pagayer, plus pensive.
Changement de partenaire, besoin d’air. Positionnée à l’avant de l’embarcation pour les prochains défis. S’en suivent de nombreuses célébrations de réussites, ma confiance reprend place.
Rapide de classe 3-4, on me propose d’aller à l’arrière, de barrer. La pression de ma pagaie entre mes mains crispées, le canot loadé de nos précieux barils, les dents serrées et sourcils froncés. On se lance. Défi relevé. Les muscles se relâchent, le sourire jusqu’aux oreilles.
Dernier campement, improvisation de mise encore une fois, mais tout le monde y trouve son compte. Une soirée spéciale, la dernière. J’aurais bien continué sur la rivière, on y est si bien. Coupée du monde extérieur, je me sens présente dans chaque moment.
J6 – Le retour
Une petite section de rivière encore à pagayer avant de quitter nos précieux canots. Je prenais un peu plus mon temps, comme si je ne voulais pas sortir, ou bien peut-être que c’est la fatigue accumulée. Ce merveilleux territoire m’a totalement absorbée. Une visite au St Pancrace qui nous rassemble et nous fait réfléchir ensemble sur ce qu’on vient de vivre. Une conclusion : «La Godbout, quelle aventure». Dernière salutation vers l’autre rive du fleuve de la poupe du navire qui nous ramène à Matane. À la prochaine fois!
Remerciements :
Gâtés de météo clémente et d’un support incomparable de nos enseignant.e.s et d’une rivière incroyable remplie de surprises, cette expédition n’aurait pas été possible sans Capelan et la Société des traversiers du Québec. Un énorme merci, de toute la cohorte AEC Guide d’aventure Gaspé 23-24.
-Gabrielle Villeneuve, finissante
*Une cravate c’est lorsque l’embarcation se retrouve bloquée de côté pressé par le courant contre une roche ou un autre obstacle.
*R sur une carte de rivière indique un rapide, le chiffre suivant le R donne sa cotation.
Une collaboration avec :